Valérie MONTALBETTI, « Le Sueur : « Raphaël de la France ». L’ambiguïté de la référence italienne dans l’invention d’un maître de l’art français »
RESUME
Eustache Le Sueur (1616-1655), représentant éminent de l’atticisme parisien au milieu du XVIIe siècle avec Laurent de la Hyre, doit sa reconnaissance actuelle à Alain Mérot et à un marché de l’art qui continue de s’arracher ses tableaux. Quant à la réputation qu’il eut au XVIIIe siècle, elle est principalement due à l’analogie entre lui et Raphaël que la littérature critique mit en scène à partir des années 1680, en le présentant comme le « Raphaël de la France ». Mort à trente-huit ans quand l’illustre Italien auquel on le comparait était décédé dans sa trente-septième année, Le Sueur avait montré, dans quelques chefs-d’oeuvre comme le cycle de La Vie de Saint Bruno dont le comte d’Angiviller fit de véritables trésors nationaux, une maîtrise de toutes les parties de la peinture gouvernée par la clarté et la simplicité. Toutefois, au-delà du caractère tout rhétorique de la comparaison, l’entreprise d’assimilation des deux peintres relève avant tout d’un habile montage idéologique, dont l’enjeu est bien l’existence de cette école française qui, au XVIIIe siècle, gage les prétentions nationales à incarner la Nouvelle Rome, tant artistiquement que politiquement.
AUTEUR
Valérie Montalbetti est conservateur des collections de la Fondation de Coubertin depuis 2008. Ses recherches ont donné lieu à deux mémoires de Master sous la direction de Daniel Rabreau (La fortune d’Eustache Le Sueur en France au XVIIIe siècle & La Fortune du sculpteur Jean Goujon en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2000) ainsi qu’à différents articles : « De Pigalle à Houdon. Portraits sculptés d’enfants » (L’Objet d’Art, hors-série n°28, oct. 2006, p.66-71), « La Vénus au carquois de Jean-Pierre Antoine Tassaert et les collectionneurs français du XVIIIe siècle » (Tournefeuille, n°15, déc. 2007, p.7-14), « L’Enfant à la cage de Pigalle : le succès d’une statuette au XVIIIe siècle » (L’Objet d’Art, n°439, oct. 2008, p.64-71), « Jean Bernard illustrateur des Cinq Prières dans la cathédrale de Chartres de Péguy » (Cahiers de l’Amitié Charles Péguy, mars 2009, p.259-264).
ABSTRACT
Eustache Le Sueur (1616-1655) was the incarnation of the parisian atticism during the second half of the seventeenth century, as well as Laurent de la Hyre. Nowadays, his celebrity is due to Alain Mérot’s studies as much as to the value of his pieces in the art market. Since the eighteenth century, he owned his reputation to the comparison between him and the great master Raphaël, which prompter literary critics to call him the “Raphaël of France” as soon as 1680. Although he died in his prime too – 38 years old –, he produced several masterpieces: the cycle of Saint Bruno’s life was declared national patrimony by the count of Angiviller. Le Sueur showed a perfect knowledge of both technical and theoretical aspects of his art. Nevertheless, beyond this rhetorical denomination, the resemblance between the two painters was mostly supported to defend ideological and political interests: during the eighteenth century, the french school of art found a way to declare herself as the new center of the artistic life in Europe instead of Rome.
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