Projet « Res urbanae » — Journée d’études – « Vues et visions des villes. Brest et Dresde aux XVIIIe et XIXe siècles »
Date et horaire
18 décembre 2020
10h – 15h30
Lieu
En ligne : via Zoom
Sur inscription uniquement : cliquez ici pour assister à la journée d’études.
«Res urbanae»
Le fait urbain et les villes en reconstruction.
Regards croisés Brest-Dresde.
Projet dirigé par Sonia de Puineuf (historienne de l’art, de l’architecture et du design graphique) et Florent Miane (maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Université de Bretagne Occidentale) avec la participation de la Maison de l’Allemagne du Finistère
Première journée d’études
Vues et visions des villes. Brest et Dresde aux XVIIIe et XIXe siècles.
Le programme de cette première journée d’étude s’inscrit dans une réflexion pluridisciplinaire sur la création urbaine à Dresde et à Brest. Il s’agit de réunir chercheurs, étudiants, urbanistes et artistes pour entamer une réflexion commune sur le passé des deux villes qui représentent nos cas d’études de la thématique de la reconstruction urbaine, envisagée dans une temporalité nouvelle. Nous proposons donc de faire le point sur les processus de développement urbain à travers une histoire des projets réalisés et utopiques, en commençant par les XVIIIe et XIXe siècles.
Si au siècle des Lumières les Encyclopédistes ont parlé avant tout de l’embellissement des villes, les contraintes de la vie moderne au XIXe siècle ont initié une réflexion sur les équipements fonctionnels pour donner naissance à l’urbanisme (Cerdà). L’enjeu est de comprendre comment les deux villes – Brest et Dresde, très différentes dans leurs morphologies premières et leurs profils politiques et économiques, ont tenté de relever les défis de leur temps pour forger leurs images respectives de grand port ouvert sur l’Atlantique pour la première et de « Florence de l’Elbe » pour la deuxième. Nous ne souhaitons pas nous limiter aux projets réalisés, bien au contraire : la facette utopique nous semble primordiale car l’imaginaire urbain se construit à travers non seulement les vues de villes mais aussi à travers leurs visions.
Les contributions de cette journée, à partir d’études de cas précis, éclairent les contextes particuliers de la création urbaine. Le champ du regard reste ouvert : peintures, dessins d’architectes, plans urbanistiques, photographies… sont autant d’images qui méritent d’être scrutées.
La journée sera aussi l’occasion de se rencontrer et de débattre pour avancer ensemble dans le projet.
Programme
10h – Accueil des participants sur Zoom
10h15 – Introduction par Sonia de Puineuf
10h30 – Stefan Hertzig
Château Royal – Zwinger –Marché Neuf : Projets inachevés d‘Auguste II pour Dresde (1709–1729)
11h00 – Discussion
11h15 – Yvon Plouzennec
Brest sublimée : poétique d’un projet urbain au siècle des Lumières
11h45 – Discussion
12h-13h15 – Pause déjeuner
13h15 – Accueil de participants sur Zoom
13h30 – Chrisitne Berthou-Ballot
Brest et ses ponts : Brest et les franchissements de l’utopie à la réalité
14h00 – Discussion
14h15 – Florent Miane
Création urbaine et imaginaire photographique : un regard sur l’origine et les usages des commandes photographiques des Ponts et chaussées
14h45 – Discussion
15h00 – Conclusion par Armelle Maltey
Résumés des communications
Château Royal – Zwinger –Marché Neuf : Projets inachevés d‘Auguste II pour Dresde (1709–1729) par Stefan Hertzig (histoirien de l’archtecture, vit et travaille à Dresde)
Parmi l’impressionnante masse de projets architecturaux inachevés pour la capitale de la Saxe, les plans sous le roi et prince électeur Auguste II, nommé « Auguste le Fort », sont certainement les plus connus et les plus spectaculaires.
Au coeur de toutes ces considérations se trouvent les projets pour un nouveau château royal monumental en style du haut baroque romain par l’architecte M. D. Pöppelmann. Dès le début le château était envisagé en connexion avec le fameux « Zwinger » qui servirait comme jardin, l’Orangerie Royale et l’avant-cour du château prévu.
C’était donc à la fin de la vie du roi, que l’on voulait unir ces plans aussi avec une transformation générale du « Marché Neuf » – l’environnement de la fameuse église de Notre Dame de Dresde – projetée par l’architecte français Z. Longuelune.
Brest sublimée : poétique d’un projet urbain au siècle des Lumières par Yvon Plouzennec (docteur en Histoire de l’art, Sorbonne Université – chercheur associé à l’IPRAUS, ENSA de Paris-Belleville – UMR AUSser).
« Michel Ange eût fait de Brest une des merveilles du monde. Choquet et ses prédécesseurs n’en ont fait
qu’une énorme masse de pierre : je m’y sens étouffé, je n’y suis pas à mon aise. »
Jacques CAMBRY, Voyage dans le Finistère, ou, Etat de ce département en 1794 et 1795, Paris, an VII, p. 101.
À la fin du XVIIIe siècle, la ville et l’arsenal de Brest suscitent un engouement sensationnel et attirent des curieux venus de l’Europe entière. Cet ensemble urbain et portuaire sorti de terre à une vitesse considérable laisse rarement indifférents les visiteurs qui y séjournent. Si les aménagements militaires impressionnent généralement par leur monumentalité et leur caractère fonctionnel, il n’en va pas de même des espaces civils de la cité, souvent décriés pour leur manque de salubrité, de commodité et de goût. Cette constatation repose principalement sur le manque d’ambition de l’administration municipale dans le domaine des embellissements urbains. Contrainte à parer au plus pressé du fait du développement exponentiel de la population, elle reste bien souvent spectatrice des projets émanant d’autres autorités publiques.
Dans les dernières années de l’Ancien Régime, un impressionnant projet urbain et paysager voit le jour mais est rapidement combattu par les édiles brestois. Conçu par un architecte parisien et soutenu par le ministre de la Marine, il prévoit l’aménagement d’une place royale dédiée à Louis XVI à l’emplacement du château de Brest. L’opposition de principe du maire et de la communauté de ville donne lieu à une passe d’armes verbale qui expose avec lyrisme le bien fondé de la proposition parisienne face aux contradictions municipales. Aux côtés des arguments rationnels et financiers, les mémoires rédigés par l’architecte font état de considérations esthétiques, symboliques et poétiques que ses opposants peinent à discréditer. C’est toute la force de ce discours qu’il s’agira de présenter dans cette communication, qui exposera les ressorts culturels et rhétoriques utilisés par un artiste des Lumières pour défendre un projet urbain.
Brest et ses ponts : Brest et les franchissements de l’utopie à la réalité par Christine Berthou-Ballot (animatrice de l’archtecture et du patrimoine de Brest Métropole)
« Si tu veux que les hommes s’entendent, fais-leur construire un pont »
Saint Exupéry
Il est difficile de répondre à la question des ponts à Brest en se cantonnant au XVIIIe siècle qui n’apporte aucune réponse aux liaisons dans la ville enserrée dans ses fortifications, centrée sur le château et le port militaire exclusivement. L’histoire commence avec le XIXe siècle et le Second Empire et se poursuivra tout au long du XXe et du XXIe siècle. Il me faut donc aller plus loin chronologiquement pour expliquer pourquoi Brest est liée aux questions de franchissements.
Ce fut d’abord par nécessités géographiques : une ville séparée en deux par un fleuve, des vallons qui ne peuvent être franchis que par des ponts. Ponts qui ne seront construits qu’au XXe siècle.
Puis par nécessité économique et urbaine : développement de Brest 2, de l’université à Bellevue, des zones d’aménagement concerté de la Cavale Blanche, de l’implantation du CHU, des flux de circulation et des échanges de plus en plus importants avec la communauté urbaine puis la métropole et le pays de Brest, l’aménagement des Capucins (téléphérique, réaménagement des circulations du pont de Recouvrance).
Mais ces franchissements sont aussi des objets identitaires et iconiques (représentations graphiques, photographiques, cinématographiques). C’est particulièrement vrai avec le pont tournant ou le pont de Recouvrance, points d’attaches et symboles d’échanges extérieurs et tout particulièrement au XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais aussi pour le téléphérique. J’évoquerai alors les représentations utopiques (projets Trischler, Touboulic) et les projets pionniers (le téléphérique est le premier téléphérique urbain de France).
Création urbaine et imaginaire photographique : un regard sur l’origine et les usages des commandes photographiques des Ponts et chaussées par Florent Miane (maître de conférences en Histoire de l’art contemporain à l’Université de Bretagne Occidentale)
Traditionnellement attachée au port militaire voulu par Richelieu et développé par Vauban, la physionomie de Brest va se transformer radialement au XIXe siècle. Sous le Second Empire, la ville se dote d’un port de commerce qui ouvre la ville à un nouvel avenir et à une nouvelle physionomie. Mais, contrairement à la plupart des ports qui ne font que moderniser leur structures pour accueillir l’extraordinaire développement des marchandises et des navires, le port de Brest est créé ex nihilo. L’utilisation des techniques novatrices et la réalisation d’équipements ferroviaires vont à leur tour profondément transformer le territoire environnant.
Ce chantier exemplaire va donner lieu à une remarquable production de photographies. Ces images, commandées par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, sont réalisées par le photographe breton, Jules Duclos. Loin des habituelles vues maritimes, il livre de véritables panoptiques qui détaillent les phares, les quais, les voies et les viaducs ferroviaires. Organisées en séries, ces images imposent un nouveau regard et instaurent une esthétique moderne restituant les différentes phases des travaux ou intégrant les objets dans des compositions dynamiques. Cette communication permettra de comprendre les principes esthétiques de cette imagerie mais aussi de saisir ses usages symboliques lorsqu’elles furent présentées à l’exposition universelles de Vienne en 1873.