Journée en forêt de Saint-Germain-en-Laye
Venez découvrir le compte-rendu et la galerie photos de la journée en forêt de Saint-Germain-en-Laye !
À partir du règne de François Ier, le domaine de Saint-Germain-en-Laye devint un lieu privilégié de chasse pour les souverains et leurs courtisans, dont les châteaux et pavillons se multiplièrent jusqu’au XVIIIe siècle aux environs de la forêt, véritable centre de gravitation.
Notre visite a concerné deux lieux emblématiques du « rayonnement » de la forêt de Saint-Germain : l’hôtel du duc de Noailles construit entre 1679 et 1682 à la limite du bois par Jules Hardouin Mansart, tout juste nommé architecte du roi, et le pavillon de chasse de La Muette, dont le roi Louis XV confia l’édification à Ange-Jacques Gabriel entre 1767 et 1775, en plein cœur de la forêt. Le premier édifice reçut, entre autres, les visites des musiciens Bach et Mozart à la fin du XVIIIe siècle, tandis que la reine Victoria déjeuna au pavillon de la Muette en compagnie de l’empereur Napoléon III en 1855.
L’Hôtel de Noailles à Saint-Germain-en-Laye
L’Hôtel de Noailles à Saint-Germain-en-Laye a été édifié en 1679 par Jules-Hardouin Mansard pour le duc Anne-Jules de Noailles (1650-1718). Jules-Hardouin Mansard avait été chargé par Louis XIV quelques années plus tôt, lors de l’achèvement de la grande terrasse, de rebâtir le pavillon de chasse du Val en petit château de plaisance, que nous avons pu admirer depuis son parc avant de nous rendre à La Muette.
Adrien-Maurice de Noailles (1675-1766) reçoit l’hôtel au décès de son père. Il a épousé Françoise Charlotte d’Aubigné, nièce de Madame de Maintenon et son héritière. Il lui assure une entretien et un train de maison brillants, d’autant qu’il est gouverneur et capitaine des chasses de Saint-Germain.
Louis de Noailles (1713-1793) hérite de l’hôtel du vivant de son père en 1748, et y assouvit sa passion de la botanique et des jardins. Par des acquisitions successives et des dons royaux, il agrandit considérablement le parc, à l’est par l’annexion de la parcelle de l’hôtel d’Aumont, puis à l’ouest, jusqu’à une superficie de 64 arpents à la fin du siècle.
La convention révolutionnaire prend possession de l’hôtel et de son parc, dont elle dresse un double inventaire, et lance un projet de lotissement dont l’aboutissement verra la création d’un « nouveau quartier » sous Louis-Philippe, l’hôtel se trouvant coupé en deux pour faire passer une voie de circulation (l’actuelle rue d’Alsace).
Du corps central subsistent les deux-tiers, amputés du salon central, et l’amorce des ailes.
Les plans en marge illustrant l’article sont tirés du mémoire de maîtrise en histoire de l’art de Julia Desagher, Les jardins de Saint-Germain-en-Laye de 1750 à 1820, sous la direction de M. Daniel Rabreau, Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne Centre Ledoux, 2003.
Le pavillon de La Muette
Le pavillon de La Muette est la dernière des folies de chasses que multiplia Louis XV à la fin de son règne. Il se distingue des autres bâtiments cynégétiques construits avant et après lui par le niveau d’ambition du projet initial, qui ne sera toutefois pas mené à son terme.
Le lieu, au nord de la forêt de Saint-Germain, est de longue date un rendez vous de l’équipage royal. La forêt, sur un terrain sablonneux, comporte d’imposantes chênaies propice à la courre, tandis qu’au nord commencent les taillis du tiré du roi, refuge des lièvres et faisans. Sur une légère éminence, un vaste carrefour de la meute, en étoile, existe depuis la renaissance et c’est sans doute de là que vient le nom de Muette, même s’il y a existé une cage destinée à la mue des faucons qui fournit une autre étymologie plausible. François Ier y avait déjà fait construire un petit château, tombé en ruine très vite après sa mort et rasé sous Louis XIV.
La forêt de Saint-Germain est propice aux chasses d’hiver. Le terrain, relativement plat, évite le risque de chutes de cheval sur des pentes gelées. Mais chasser dans ce secteur isolé posé problème en raison de l’éloignement -et du mauvais état- du château royal de Saint-Germain abandonné avec la construction de Versailles. Le rachat du château de Maisons s’avérant trop onéreux, Louis XV se rabat sur la construction de l’actuel pavillon, et en confie les plans à Ange Jacques Gabriel.
Le premier plan est grandiose, très palladien, et propose une vaste rotonde ouvrant aux points cardinaux sur la forêt et entourée de pièces secondaires, comme dans la célèbre villa « la Rotonda » de Vicence. Il est revu plus modestement pour des questions financières qui se font alors de plus en plus pressantes, et le second plan, celui qui est exécuté, permet de procéder en deux temps : d’abord la construction d’un avant-corps d’agencement classique, pour recevoir l’équipage et permettre le repos du roi, puis un immense salon en rotonde en saillie sur la façade nord, et enfin un logis pour le garde des chasses à l’écart, plus au sud. L’avant-corps est exécuté entre 1767 et 1773, la rotonde entre 1774 et 1776. Le logis du garde ne sera jamais construit. Bonaparte y substituera en 1805 une maison plus pratique, à l’ouest du pavillon, qui existe encore aujourd’hui.
Le détail de la construction nous est connu par la correspondance très riche qu’entretient à son sujet l’architecte chargé de l’exécution, Nicolas Galant, avec le marquis de Marigny. C’est Galant qui dessine le décor de boiserie néoclassique qui subsiste encore aujourd’hui, qui exécute la cheminée du grand salon, dérobée depuis, et récupère au garde-meuble des cheminées de marbre du Languedoc démontées des palais de Louis XIV qui sont encore présentes aujourd’hui. Il est aussi l’auteur de la rare terrasse belvédère aménagée sur le toit, aménagement repris de celui que Pierre Chambiges avait ajouté sur le premier château de Francois Ier.
Louis XV ne verra pas son pavillon achevé et Louis XVI, qui préfère Rambouillet, n’y prêtera que peu d’attention malgré la chasse hivernale. En revanche, Bonaparte Premier consul puis empereur le fréquentera assidûment et en achèvera l’aménagement, donnant pour cela des ordres depuis Vienne et Moscou. Charles X y vint très souvent tout comme Louis-Philippe, qui y installe le confort moderne, et enfin Napoléon III. Un aquarelle subsiste de la visite qu’il y organisa pour la reine Victoria en août 1855.
Encore utilisé après guerre par la radio école OCORA pour les radiophonistes africains, le pavillon est tombé à l’abandon depuis les années 1970 et est aujourd’hui très dégradé. Mais il conserve ses décors, de spectaculaires cuisines souterraines en pierre de taille (avec une rôtissoire d’origine, la seule qui ait subsisté, provenant du château de Saint-Cloud) et une architecture très intéressante qui en fait un « Trianon des bois » tout à fait inédit.
GALERIE PHOTOS
Nous remercions chaleureusement Mme Françoise Brissard et M. Frédéric Journès pour leur hospitalité et leur gentillesse, ainsi que Gabriel Wick pour son intervention érudite et Francesco Guidoboni, l’organisateur !