Disparition de Janine Barrier (1935-2024)
Janine Barrier nous a quittés fin août à l’âge de 89 ans. Chercheure indépendante, longtemps rattachée au Centre Ledoux de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, doyenne de l’association Ghamu, Janine Barrier comptait parmi les meilleurs spécialistes de l’histoire de l’architecture et des jardins de l’époque moderne, notamment sur la question des rapports France-Italie-Angleterre au siècle des Lumières.
Géologue de formation, Janine Barrier a obtenu un doctorat à la Faculté des Sciences de l’université de Paris en 1960 ; effectuée sous la direction du professeur Jean Cuvillier, sa thèse porte sur l’Étude micropaléontologique comparative du Crétacé supérieur de Dordogne et de Charente maritime. Dans les années 1980, alors mère de deux enfants, elle reprit des études à l’université de Bordeaux, intégrant le cycle de cours et les séminaires d’histoire de l’art et de l’architecture dispensés par Daniel Rabreau. Sous la direction de celui-ci, dans le cadre du CERCAM (Centre de recherches sur le classicisme dans l’art moderne), elle a soutenu un mémoire de Maîtrise sur les rapports entretenus par les architectes français avec l’Angleterre dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle : sujet très novateur qui lui permit, par exemple, d’approfondir les connaissances sur la formation de Bélanger et de prouver que ni De Wailly, ni Ledoux, n’avaient effectué de voyage Outre-Manche comme on le croyait… A cette époque elle tissa des liens étroits avec de célèbres historiens britanniques de l’architecture, John Harris, John Wilton Ely notamment, qui accueillirent ses recherches et favorisèrent, par exemple, le fameux voyage effectué par le Ghamu à Londres en 1999 et un colloque ultérieur.
Envisageant déjà, dans une thèse, d’élargir ses recherches aux rapports entretenus par les jeunes architectes dans la Rome de Piranèse, elle profita de son retour à Paris et de celui de D. Rabreau pour s’inscrire en doctorat au Centre Ledoux en 1991. Déjà docteur dans une autre discipline, Janine renonça finalement à soutenir cette thèse qui se transforma en plusieurs livres et s’élargit au domaine des jardins, à l’inspiration de Monique Mosser. Dans les années suivantes, elle participa à divers ouvrages collectifs, publia de nombreux articles et rédigea pas moins de trois livres d’importance majeure (William Chambers. Une architecture empreinte de culture française, suivi de sa « Correspondance » avec la France, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2010 ; Piranèse, Paris, Bibliothèque de l’Image, 1995 ; Architectes européens à Rome 1745-1765 La naissance du goût à la grecque, Paris, Éditions du patrimoine, 2005). Traductrice du journal de Thomas Blaikie (Sur les terres d’un jardinier, Journal de voyages 1775-1792, Paris, éditions de l’Imprimeur, 1997 ; nouvelle édition en 2016), Janine Barrier collabora également à divers projets d’histoire des jardins (notamment avec Che Bing Chiu et Monique Mosser, Aux jardins de Cathay, William Chambers et l’imaginaire anglo-chinois en Occident, Paris, éd. de l’Imprimeur, 2004).
Infatigable travailleuse, Janine Barrier poursuivit jusqu’à très récemment ses travaux de recherche et d’écriture. Après la publication en ligne d’une riche synthèse consacrée à Jean-Charles Delafosse (1734-1789) : un artiste à facettes au miroir du XVIIIe siècle dans les « Annales du Centre Ledoux (Nouvelle série) » (Vanves, 2020), son dernier article, paru au début du mois de septembre 2024 s’intitule « Louis-Joseph le Lorrain ou les balbutiements du goût à la grecque » (ArcHistoR, n° 21, 2024, p. 25-47).
Durant plusieurs décennies, Janine n’a eu de cesse de proposer généreusement son aide aux jeunes chercheurs en histoire de l’architecture et des jardins. Nombreux sont ceux qui ont eu le privilège de bénéficier de sa bienveillance et de son écoute attentive. Relectrice hors pair, elle figure dans les remerciements de thèses de doctorat de toute une génération d’universitaires, tant en France qu’à l’étranger. Adhérente fidèle au Ghamu, indéfectible présence et amie de tous, sa disparition laisse un grand vide au sein de notre communauté.